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MAROC 2001 ( GRANDE TRAVERSÉE DE L'ATLAS)
Réflexions d'une participante:
Ablutions : pas facile dans certaines circonstances de s'isoler du regard des autres, qu'ils soient les membres du groupe, les muletiers ou ( et surtout ) les enfants venus en nombre d'on ne sait où...Nous avons toutefois réussi dans la majorité des cas à ne pas avoir à utiliser exclusivement les lingettes ! En fait nous nous sommes même baignés dans des trous aménagés par nos soins dans des petites rivières où, en dépit de l'eau un peu fraîche, il faisait bon enlever la couche de poussière qui nous recouvrait des pieds à la tête. Nous avons même, par deux fois, eu droit aux douches installées sous les branches de superbes noyers à l'ombre rafraîchissante...Il faut tout de même reconnaître que cette sensation de poussière présente en permanence a été assez épouvantable, et que le décrassage à Marrakech nous a procuré une sensation d'infini bien être !
Adaptation : c'est là que l'on se surprend le plus, mais évidemment c'est facile quand on sait que ce n'est que pour un temps limité...et puis tout est fait pour nous simplifier la vie : la prise en charge est totale. D'abord il y a Youssef, notre guide, qui a tout préparé, qui s'est entouré d'une équipe de huit muletiers qui savent exactement quelle tâche leur est dévolue, et qui sont toujours très complaisants (Mohamed n'a pas hésité une seconde pour jouer au barbier). Ensuite, il a fallu se contenter de l'eau que nous avions à notre disposition, et ça a été probablement plus difficile pour les hommes qui ont dû laver eux-mêmes leurs vêtements...mais grâce à cela, au travail partagé au bord des ruisseaux, nous avons eu quelques bons moments dans la joie et la bonne humeur.
Le plus dur pour certains a été de s'adapter à l'altitude, à partir de 3000 m l'air est plus rare. La chaleur ne nous a pas tant fait souffrir qu'on aurait pu s'y attendre, mais il faut dire que nous partions très tôt le matin ( entre 6 heures et 6 heures 30). Nous en avons finalement plus souffert le premier jour a Marrakech, et nous avons trouvé refuge dans les superbes jardins Majorelle où nous avons déambulé longuement parmi d'étonnants parterres de cactus, avec des pièces d'eau et quelques bosquets de bambous. C'était calme, beau, insolite, et cette parenthèse dans le désordre de la circulation bruyante, et à nos yeux chaotique, de la ville a représenté plus qu'une simple bouffée d'air pur...
Admiration : pour la capacité des gens à s'adapter à un environnement parfois carrément hostile, souvent aride, et en règle générale dur. Émerveillement même devant ces villages qui se fondent dans le paysage, au point que parfois on ne les voit qu'au dernier moment : les murs en pisé ont la couleur de la montagne qui les entourent.
Ébahissement aussi devant le travail des muletiers ( et de leurs bêtes ) sans lesquels nous n'aurions pas pu profiter aussi bien de la randonnée.
Alimentation : les repas sont toujours des moments importants quand on marche et que l'on se dépense. Le petit déjeuner ( la plupart du temps pris à 5 heures et demie ) a lieu une fois que l'on a plié les tentes. Thé, café, chocolat ( à partir de composants en poudre ) accompagnés de pain, confiture, kiri, et un détestable ersatz de beurre. Il dure en général une demi-heure, moins longtemps pour ceux qui doivent encore s'enduire les pieds de crème et se chausser ( le pied, comme chacun sait, faisant l'objet d'attention et de soins les plus minutieux...). Ensuite au milieu de la randonnée du matin, il y a la pause "graines" : figues, dattes, cacahuètes, raisins secs, tout petits gâteaux au sésame, amandes...un moment toujours très attendu puisqu'il permet de boire, de s'asseoir et de contempler le chemin parcouru qui nous a conduit jusqu'à ce point, souvent un col, et celui qu'il nous reste à accomplir. En général nous nous arrêtions ensuite vers 11 heures pour un thé suivi du déjeuner, sauf lorsque cette pause correspondait avec la fin de la rando du jour et que nous arrivions alors directement au lieu de bivouac. De toute façon nous étions toujours accueillis par le thé qui nous était versé sans compter. Pour le déjeuner, il s'agissait invariablement de crudités accompagnées de féculents ( haricots, lentilles, pâtes, riz ) avec un morceau de fromage suivi de tranches de melon d'eau juteux et sucré ou de pastèque. Café et thé à volonté. Vers 5 heures nous avions encore du thé accompagné de biscuits et certains jours bénis de succulents beignets que nous engloutissions voracement avec la délicieuse crème d'ipomée...Le repas du soir, entre 7 heures et demie et 8 heures et demie, débutait toujours par un bol de soupe suivi de tajine de légumes parfois accompagnés à l'occasion de poulet ou de mouton ; la viande était évidemment plus rare, mais nous avons eu quelques bons morceaux d'une tendre chevrette, pourtant tuée et dépecée sous les yeux de ceux qui voulaient bien regarder... Il y a aussi eu une fois une autre chèvre ( un peu moins tendre ) cuite au four. Le travail réalisé pour ce repas nous a franchement épatés ( en dépit de l'heure tardive du dîner ) : un muletier est allé couper du bois sur la montagne en face de celle sur laquelle nous avions installé le bivouac. La pente était raide, et il n'était pas question de prendre autre chose que le bois mort des genévriers thuriféres. Nous entendions le bruit de la cognée ( en léger décalage avec le geste lui-même ) et nous pouvions suivre la chute des énormes branches que l'homme lançait ensuite vers le lit de l'oued. Pendant ce temps quatre autres muletiers étaient occupés à l'édification du four : il fallait des pierres, de la terre, et beaucoup d'eau pour obtenir un petit bâtiment sphérique avec un orifice à plus d'un mètre soixante du sol par lequel était enfourné l'animal. Une fois le four construit, une grande quantité de bois y était brûlée pour qu'il n'y reste plus que des braises pour assurer une cuisson lente, à l'étouffée, puisqu'une fois la bête dans le four celui-ci était ensuite recouvert d'une épaisse couche de terre mouillée pour colmater toutes les brèches. La cuisson durait ainsi deux heures. Il fallait ensuite casser la calotte du four, récupérer l'animal, embroché sur un piquet brûlant, qui était porté alors triomphalement sous notre marabout par le cuisinier et son aide qui le découpaient devant nous. Ce soir là la viande était accompagnée de frites !
Le repas du soir s'achevait sur une salade de fruits, souvent "améliorée" de quelques gouttes d'eau de vie de poire, de prune ou de rhum que nous étions convenus d'apporter et qui à chaque fois suscitaient nombre de commentaires. Puis nous avions une verveine que nous buvions en prenant connaissance du programme du lendemain.
Tous les produits frais destinés à notre consommation étaient passés dans l'eau javellisée pour nous éviter les désagréments de la "tourista" autant que faire se peut...et, de fait, à part quelques alertes épisodiques sans grandes conséquences, une seule parmi nous en a véritablement ressenti les méfaits, et encore quasiment en toute fin de séjour.
Appréhension : avant de partir surtout...Rien ne nous permettait de savoir si nous pourrions "tenir le coup" pendant trois semaines, si nous aurions la capacité physique et mentale d'accomplir la randonnée qui, sur le papier, s'annonçait tout de même déjà assez exigeante ( et qui, réflexion faite l'était encore bien plus que ce que la plupart d'entre nous ne l'avait envisagé ! ). Il fallait prendre en compte la durée, les dénivelés, l'altitude, la fatigue qui irait s'accumulant, le manque d'entraînement ( un hiver pourri ne nous ayant pas permis toutes les sorties que nous avions projetées de faire ) et bien sûr les aléas climatiques ou tout simplement personnels : ampoules, dérangements intestinaux et autres maux d'intensité variable selon les individus !
Et puis, sur le terrain, il y a aussi eu les passages difficiles : des pierriers dans lesquels on a si vite fait de se tordre les chevilles ou les genoux ; les passages a flanc de montagne avec tellement peu de place pour mettre les pieds qu'on s'attend à tout instant à dévaler la pente vertigineuse dont on a bien du mal à faire abstraction ( avec l'envie tout à coup de pouvoir se transformer en dahut ! ) ; les cours d'eau à franchir ; les infimes moments de panique souvent liés à la fatigue...
Une fois revenus à bon port on a vite fait de "dédramatiser" ce qui sur le moment représentait tout de même de vraies souffrances pour certains, et de ne garder en mémoire que les exploits que l'on se sent, à juste titre, fiers d'avoir accomplis. Mais il faut pourtant avoir le souvenir de cela aussi parce que le quotidien était intrinsèquement composé de ces petites souffrances, des inquiétudes qui parfois nous tenaillaient mais qu'il fallait cacher et qui d'une façon ou d'une autre pouvait affecter les comportements, les relations...
Distribution : pas question, hélas, de répondre à toutes les demandes formulées par les habitants des villages que nous traversions ! On nous avait prévenus que les seules réponses favorables seraient pour les soins médicaux ( dans la limite de nos moyens bien sûr ). En fait ça c'est limité à quelques distributions de cachets d'aspirine, et tout de même deux interventions un peu plus professionnelles de notre infirmière. Les demandes des enfants étaient parfois un peu trop lancinantes : "bonjour madame stylo" ou "fani" ( bonbon ) à quoi nous répondions inlassablement "wallou stylo, wallou fani"...alors que parfois nous aurions bien eu envie de jouer au bon européen faisant plaisir à bon compte ! Le problème c'est qu'il ne nous était pas possible de satisfaire tout le monde.
Il était tout de même prévu que nous apporterions quelques tee-shirts et autres objets que nous laisserions aux muletiers. C'est ainsi que dans nombre de villages traversés nous avons vu des enfants habillés avec ces mêmes tee-shirts parfois bien trop grands pour eux !
Évaporation : il n'y a guère qu'au-dessus de 3000 mètres que nous ne ressentions un peu moins le besoin de boire. Dans l'ensemble nous avons été surpris de la quantité d'eau absorbée ( entre deux et trois litres par personne, il faut dire que nous transpirions sous les sacs à dos. A chaque arrêt ( pause déjeuner ou bivouac ) l'un des muletiers était chargé de l'approvisionnement en eau pour nous et pour la cuisine. Il allait, toutes les fois que c'était possible, la chercher à la source. Nous remplissions nos gourdes et y ajoutions une pastille de micropur ou hydroclonazone, destinée à la rendre potable. Nous avons aussi rapidement apprécié les quelques gouttes d'alcool de menthe qui lui donnaient un petit goût frais et agréable.
Évasion : c'est évidemment un voyage très dépaysant, et qui donc nous permet une vraie "déconnexion" d'avec notre quotidien. On se surprend à oublier le reste du monde qui paraît si loin, on se surprend à prendre subrepticement d'autres habitudes qui n'auront qu'une durée de vie très courte...Il y a le plaisir d'être là et de jouir de l'instant qui est une composante du mode de déplacement : marcher c'est aller au rythme de sa respiration sans se préoccuper d'établir des records de vitesse ; c'est laisser son esprit divaguer sans laisser rien s'accrocher qui nuirait à l'oxygénation de la pensée...
Exaltation : profonde, jubilatoire... devant un coucher de soleil ; devant un paysage qui se déroule en contre jour ; devant ces couleurs, ces formes qui portent à la fois la force et la douceur, la puissance et la fragilité trompeuse ; devant ces petites fleurs-sourires bleues, jaunes, rosées, que l'on rencontre le matin dans un environnement pourtant hostile d'aridité, de poussière, de cailloux ; et celle, bien évidemment, qui accompagne la satisfaction d'avoir franchi le premier 4000 !
Exaspération : celle que l'on ne voudrait pas connaître, et que l'on s'en veut de ressentir, mais qui est le corollaire de la vie d'un groupe en grande promiscuité ! Il y a toujours un moment ou nous ne pouvons que très difficilement faire abstraction de ces petites choses qui, une fois qu'elles sont remarquées paraissent véritablement insupportables. On se "titille", on s'exaspère, mais l'important c'est de se reprendre une fois le "coup de gueule" exprimé, à mettre sur le compte de la fatigue...
Exception : les gravures rupestres sur le plateau de Yagour, sur des roches de grès de quartzite ou de granite. Elles datent des 4ème 5ème siècles avant J.C. Rien n'est fait pour le moment pour les mettre en valeur, et pas grand chose pour les protéger : les bergers construisent leurs abris en utilisant les grandes dalles couvertes de ces gravures. Il y en a un nombre impressionnant, et certaines d'entre elles sont très belles. Elles représentent surtout des animaux, des armes et des boucliers très décorés. Elles sont exécutées selon deux méthodes : le trait poli, ou le martelage/percutage, et sont l'œuvre des populations d'éleveurs arrivées des désert du Sahara.
Extermination : une alerte aux puces paraît-il due à des contacts trop étroits avec les enfants, dans les villages traversés...mais rien de vraiment alarmant. En revanche nous aurions voulu un remède efficace pour nous débarrasser des mouches qui nous piquaient pendant la sieste !
Habitations : les villages berbères sont bien évidemment construits dans des endroits stratégiques, plutôt en hauteur et là où il y a de l'eau. Comme ils sont toujours à flanc de montagne, les parcelles cultivées sont petites et étagées, et cultivées comme chez nous au Moyen Âge avec les mules et l'araire. Nous n'avons pas assisté à la moisson mais nous avons vu fonctionner les aires de battage où les épis étaient foulés par des mules, et où le grain était séparé de la balle en le lançant en l'air au moyen de pelles, le tout au soleil et dans la poussière...
Les maisons sont différentes selon que l'on se trouve dans le Haut Atlas ou dans le Moyen Atlas : dans la première partie, plus à l'écart du reste du monde, les constructions restent très traditionnelles. Les "rues" sont étroites et à peine plus que des chemins. Dans ces villages il faut se couvrir les jambes ; les femmes et les enfants refusent le plus souvent d'être photographiés, et notre passage est annoncé bien longtemps à l'avance. Il s'y trouve des animaux : quelques vaches faméliques, des chèvres, des moutons et des poulets, pas de chiens ( ceux-ci sont dans les pâturages, avec les troupeaux, ce qui a occasionné de notre part de nouvelles adhésions sans partage à l'association montée par un précédent randonneur pour l'extermination des chiens berbères !), et toujours un grand nombre d'enfants. Peu d'hommes : ils sont aussi dans les pâturages ou partis gagner de l'argent par exemple comme muletiers au service des touristes. Pendant leur absence ce sont les femmes, et les fillettes qui s'occupent des corvées d'eau, de bois, des récoltes...toujours une répartition des tâches très bien définie. Ainsi que nous l'a dit Youssef :"les hommes gagnent de l'argent, les femmes font les travaux qui ne rapportent pas". Bien sûr nous n'avons pas pu nous empêcher d'être scandalisés de voir les charges portées par les fillettes, alors que les garçons se bousculaient autour des bivouacs pour nous observer sans rien faire !
Dans ces villages perdus, il n'y a bien évidemment pas d'échoppes, pas de dispensaire, pas d'électricité, pas de route ni de piste ( seulement les chemins muletiers que nous avons empruntés ) pas vraiment d'école, pas non plus de mosquée. Il y a tout de même un chef de village et un mufti qui organisent la vie du village et règlent les conflits. Nous étions fascinés et en même temps atterrés par les conditions de vie de ces populations, et la grande question est de savoir notre part possible d'ingérence. Nous réagissons, comme toujours, avec notre culture, notre éducation, mais au bout du compte notre mode de vie n'est pas forcément un modèle à exporter !
Lorsque l'on arrive dans l'Atlas Occidental et que l'on se rapproche de Marrakech la différence est frappante. Notre passage est moins un événement, et les demandes sont parfois tout de même un peu moins pressantes. Les maisons commencent à être construites avec des parpaings, il y a de plus en plus d'antennes satellites ( la plupart du temps activées grâce à des panneaux solaires ) et les décorations des murs sont nettement plus élaborées ( je ne parle pas de celles qui sont couvertes de ces grandes "planches" en aluminium de maquettes de couvercles de boîtes de sardines ! ) . En règle générale d'ailleurs ces villages sont plus grands et ont leur école et leur mosquée, voire un marché hebdomadaire, qui attire une grande foule des villages avoisinants, parfois même leur café dans lesquels les bières sont servies sous le manteau !
Inondations : nous n'avons pratiquement pas eu une goutte de pluie, mais nous avons pu constater les méfaits des inondations qui ont détruit de nombreuses parcelles situées en bordure d'oued. C'est une désolation. Les champs étaient entourés de petits murets de pierres sèches ( prises dans l'oued, avec des assemblages de couleurs vertes, grises et roses ) mais quand les orages éclatent ce sont des litres d'eau qui dévalent des montagnes environnantes et qui entraînent tout sur leur passage. C'est la ruine des villages et je suppose qu'il faut des années pour réparer les dégâts. Nous avons pu mesurer l'aridité du climat et mieux compris l'inquiétude devant la sécheresse qui semble se prolonger depuis trois ans.
Irrigation : les canaux d'irrigation obéissent à une gestion parfois extrêmement rigoureuse. L'eau d'un réservoir peut être envoyée à certaines heures et il convient à ce moment là que les propriétaires des terrains à inonder soient présents pour que, lorsqu'ils ont reçu l'eau qui leur était nécessaire, ils bouchent leur entrée de champ. De cette façon chacun reçoit son dû à tour de rôle. C'est ce qui aide à comprendre la solidarité et la nécessité d'une bonne organisation sans laquelle ils ne pourraient sans doute pas survivre.
Irritation : les cailloux, les mouches, les erhytèmes solaires, les enfants qui nous dévisagent pendant que l'on voudrait pouvoir avoir un peu d'intimité pour la toilette, les conseils et explications à n'en plus finir ( défaut passablement commun aux enseignants !)...bref tout et rien, avec heureusement des tas de petits bonheurs partagés, de l'humour, de la courtoisie et des petites attentions qui permettent d'oublier très vite les contrariétés. Globalement le bilan est positif compte tenu que nous ne savions pas trop, à priori, comment les choses allaient se passer.
Précautions : ne jamais oublier le micropure pour rendre l'eau potable. Penser aux antibiotiques polyvalents pour faire face en cas de besoin aussi bien à une rage de dents qu'à des maux de gorge etc. De toute façon ce qui n'est pas consommé est remis à Youssef qui dépose le tout au dispensaire de son village. Nous avons de l'eau javellisée pour nous laver les mains ( à tel point qu'au bout des trois semaines nous avons des petites crevasses qui apparaissent au bout des doigts !), et nous nous gardons bien de boire quoi que ce soit qui ne soit ou bouilli, ou hermétiquement fermé, que ce soit dans les villages ou à Marrakech ( il faut par exemple s'assurer que les jus d'orange sont fabriqués à partir de l'orange exclusivement, c'est à dire sans adjonction d'eau...). C'est ainsi que nous ne pourrons pas faire marcher le commerce des marchands d'eau ambulants de Marrakech qui sont pourtant bien attirants, en pleine chaleur, avec leur costume bariolé et leur chapeau rouge ( pointu et à frange !) et qui agitent inlassablement leurs clochettes pour attirer le badaud.
Précisions : L'Atlas c'est 700 km de long, 110 de large. Le point culminant : le mont Toubkal 4167 m, mais il y a quarante cimes qui dépassent les 3000 mètres d'altitude et une dizaine de sommets dépassent les 4000 m. Notre premier 4000 ( pour au moins huit d'entre nous ) sera l'Ighil M'Goun (4071 m) auquel nous avons accédé le troisième jour...nous aurons été partis 11 heures ce jour là, avec 9 heures de marche, 24 km parcourus 1500 m de montée. Une grande expérience, avec une marche sur une crête de toute beauté.
En tout nous avons parcouru 310 km, marché 122 heures, monté pendant 15853 m et descendu un peu plus de 15600 m , soit au moins 31400 m de dénivelés ! Une véritable gageure pour des gens somme toute assez peu sportifs et très médiocrement entraînés. Nous avons eu beaucoup de chance de ne déplorer aucun accident majeur et les quelques kilomètres parcourus à dos de mule par Laurence n'ont été qu'une anecdote sans grande conséquence. Nous étions fiers de nous à la fin, mais nous avons tout de même suggéré que ce voyage ne soit proposé qu'à des gens parfaitement au courant de ce qui les attendait et bien entraînés !
Traditions : ainsi que je le disais plus haut rares sont les enfants encore habillés en djellaba. Dans les villages il ne reste que les femmes et les hommes plus âgés pour porter les tenues traditionnelles. En tous cas ce qui est frappant à Marrakech c'est que l'on voit toutes les tenues vestimentaires possibles : des plus austères au plus décontractées. Nous avons tout de même été témoins d'une petite scène au cours de laquelle un agent chargé de la circulation a sifflé trois jeunes garçons, qui marchaient sur le trottoir derrière nous, pour leur faire remettre leur tee-shirt...de toute évidence il n'était pas tolérable de marcher torse nu. Il ne nous a pas échappé que les muletiers arboraient des tenues très européennes ( y compris les casquettes ) quand bon nombre de touristes se précipitaient pour acheter des cheichs et des djellabas ! Je reconnais que j'ai pour ma part adopté le cheich ( que je ne porte pas de façon très orthodoxe ) pour des raisons de commodité : on peut se couvrir la nuque, on peut se protéger le visage du soleil et de la poussière ( on voit au travers du tissu ), et on peut le mouiller dans tous les petits ruisseaux rencontrés en chemin et avoir ainsi sur la tête une source de fraîcheur fort agréable, et relativement facile à renouveler. Il vaut mieux ne pas le prendre blanc ( beaucoup trop salissant ) ni noir ( trop chaud ) le bleu plutôt foncé est, à l'usage, une couleur tout à fait adéquate.
Quelquefois, le soir, les muletiers chantent en s'accompagnant de tambours ( ils tapent aussi bien sur des bassines ! ) et nous nous nous sommes joints à eux à deux reprises pour danser. Les chants sont toujours organisés autour de questions réponses, souvent entre hommes et femmes. Quand on ne connaît pas la langue, ils chantent en berbère, celui de leur village, puisqu'ils venaient tous du même, il semble que ce ne soit qu'une longue répétition de la même phrase...et pour ce qui est de danser, il s'agit d'avoir les épaules collées les uns aux autres et de piétiner de temps en temps sur place, de temps en temps en se déplaçant légèrement sur la droite. Comme nous étions nombreux nous formions plutôt un cercle, alors que lorsqu'ils étaient seuls ils se faisaient face. Ce qui frappe aussi c'est le côté un peu lancinant des mélodies, qui sont souvent chantées à toute force. Pas de nuances, pas de dramatisation...mais je me demande s'ils n'ont pas ressenti la même chose lorsque nous leur avons chanté A la Claire Fontaine, Alouette ou Boire un Petit Coup ! en tous cas c'est toujours un bon moment de se joindre à eux pour partager des danses et des chants car autrement la communication est assez limitée, puisqu'ils ne parlent pas le français et que nous ne parlons pas l'arabe ( tout le monde peut dire : "Salam alekum" et répondre à cela " walékum salam", ou dire "Saha" en berbère, pour dire merci, mais ce sont justement les mots qu'ils connaissent aussi dans notre langue !).
Une autre tradition qui ne me convient pas trop c'est le fait de devoir marchander le moindre achat que l'on veut faire dans le souk. On a toujours peur de se faire arnaquer ( et il y a bien des cas où c'est effectivement ce qui se passe ) ou alors on a l'impression de leur arracher les tripes ! Ces marchands sont de parfaits comédiens et il faut savoir se durcir pour entrer dans cette relation de marchandage qui peut durer très longtemps ( même après que l'on pense soi-même avoir abandonné !). En tous cas nous en avons rencontré beaucoup qui avaient de l'humour, et nous avons eu quelques bons fous rires. Par exemple, lors d'une visite à l'échoppe d'un marchand d'épices :
"ça c'est le viagra naturel, tu donnes au gazau et il va au plafond ! tu donnes celui-là à la gazelle... et c'est la guerre des étoiles !" .
On voit de plus en plus de "supermarchés", en fait pas plus que des supérettes, où les prix sont clairement affichés, de même que des magasins de chaussures ou autres articles comme on voit partout en Europe, et le marchandage ne sera bientôt plus pratiqué que dans le souk.
Autre tradition : le thé. C'est le seul endroit où j'en bois un verre sans rechigner. Il est vert, à la menthe fraîche, très sucré et brûlant. On l'apprécie même en pleine chaleur, et il est donné sans compter, y compris aux bergers de passage qui en font la demande.
Végétation : à Marrakech ce sont surtout les eucalyptus, les palmiers dattiers et les orangers qui bordent les trottoirs...c'est d'ailleurs assez surprenant de voir ces arbres couverts de fruits en pleine ville !
Ce qui nous a le plus frappés, je crois, ce sont les noyers. Près des villages : des arbres magnifiques, plus que centenaires. Ils en consomment les noix mais ne font pas d'huile ( pas plus qu'ils ne font de fromage de chèvre, de brebis ou de vache ). Nous avons eu le plaisir de bivouaquer quelquefois sous leur ombre bienfaisante et nous avons apprécié.
J'ai fait la connaissance des genévriers thuriféres, et des genévriers rouges, dont bien entendu j'ai rapporté quelques graines pour ma collection. Les premiers nous ont enchantés par leur odeur caractéristique : c'est le bois dont sont faits les crayons Caran d'Ache. Nous avons aussi traversé quelques endroits où poussaient tant bien que mal des chênes verts. Dans l'ensemble tous ces arbres disparaissent puisqu'ils servent aux villageois pour allumer les feux, et pour la construction des maison. Il n'y a pas de programme de replantation.
Autre découverte, pour moi : les figues de Barbarie. Elles nous étaient vendues toutes préparées par de jeunes enfants qui en quelques minutes ont vendu les deux tiers de leur récolte...je pense que ce devait être pour eux un peu inespéré ! Je n'ai pas, pour ma part, trouvé là un fruit d'une saveur exquise, mais je reconnais que c'est assez rafraîchissant.
Pour le reste : de très beaux chardons bleus ; des euphorbes magnifiques ; des arganiers, ces petites touffes d'épineux qui seules peuvent s'accommoder de certains sols arides ; et d'autres espèces que je ne saurais nommer et puis ces toutes petites fleurs qui me ravissaient quand nous pouvions les découvrir étalant vaille que vaille leurs pétales dans un environnement hostile.
Tout cela était bel et bon !...
Je suppose que je n'aurais pas à me creuser la tête bien longtemps pour trouver encore des choses à dire, mais voilà : j'en ai un peu assez et je suppose que vous aussi ! Et puis il faut encore en garder pour la prochaine fois : février 2003 où nous retournons dans le sud, avec au programme des dunes, des gorges, des ergs et des regs...Eh oui, c'est aussi cela les voyages de découverte : c'est se dire que chaque fois que l'on soulève un pan du tissu on a envie d'en savoir plus ! Le voyage à pieds s'il limite tout de même nos déplacements nous donne néanmoins le temps de goûter délicatement aux mets qui nous sont offerts. C'est réapprendre à prendre le temps, vivre au rythme des autochtones et avoir ainsi une petite idée de ce qui constitue leur quotidien, de ce qui fait leur culture, de leur regard sur le monde.
Si vous avez besoin d'informations sur ces séjours à des prix défiants toute concurrence, je vous suggère de prendre contact avec Joël Talon qui vous mettra en relation avec Youssef pour organiser le voyage sur mesure dont vous rêvez ! e.mail : joel.TALON@wanadoo.fr
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